Avec « Ground language », l’artiste allemand Paul Wesenberg propose une exposition inédite réunissant 12 oeuvres produites spécialement pour l’occasion. Il y pose la question d’un langage plastique fort, essentiel, dénué de tout artifice, tout en poursuivant sa réflexion sur la pratique de la peinture au XXIe siècle. Tout se concentre sur la surface de la toile, espace ambigüe à la fois support d’une image aux contours non définis et terrain où se joue la réflexion de l’artiste sur la peinture. La matérialité de cette surface est tout aussi importante que le processus de création, la ligne et la couleur. L’oeuvre achevée en devient le témoin.
Il s’agit du deuxième solo show de Paul Wesenberg à la galerie RX.
Monumentalité et subtilité se dégagent des oeuvres de Paul Wesenberg, auxquelles répond immédiatement un trouble. Si de prime abord ses toiles apparaissent comme des morceaux de paysages chers à l’artiste ou des fenêtres ouvertes sur des espaces naturels qui pourraient envahir les murs de la galerie, plus on s’en approche, plus on s’aperçoit que la surface de la toile est l’autre sujet du tableau. Elle n’est pas lisse, bien au contraire : à la fois écorchée et « augmentée » de morceaux de toiles peints. Cela tient à la technique même de Paul Wesenberg.
Attaquer la toile, au sens propre
Avec comme point de départ un dessin préparatoire aussi petit qu'une boîte d'allumette, il reporte non pas le dessin de façon mimétique, mais l'énergie qui ressort de ce dessin. D'où l'importance de la ligne, véritable colonne vertébrale du tableau et sismographe traduisant cette énergie. À partir delà, l'artiste s'attaque à la toile au sens propre comme au sens figuré. Avec une sorte de mini fraise, qu'on ne peut s'empêcher de rapprocher de celle d'un dentiste, il agresse la toile, la creuse, la taille, la troue. On ne sera donc pas surpris qu'à côté des pinceaux et tubes de peinture à l'huile classiques on trouve dans l'atelier de l'artiste une mini perceuse, des cutters, des pinces à épiler et diverses colles. Cette dernière opération est sans retour en arrière possible et porte en elle une tension qui impose à l'artiste d'être dans l'instant même, dans le temps de la création.
Des fragments de peintre
Ensuite, il ajoute ses « peaux à l'huile » comme il les appelle, des restes de fragments spécialement préparés à l'avance pour chaque tableau. Il ancre ainsi l'oeuvre dans la couleur et dans la matière. C'est seulement la superposition et l'interaction entre les couches qui révèle des images cachées, tout en jouant sur la toile brute. Le fond grège participe de l'image et de la perception de l'espace. Si ses oeuvres renvoient à des endroits précis (ce que traduisent les titres), l'artistes les interprète par le filtre de la sensation, il reste cette impression du souvenir d'un lieu recréé par l'esprit. Au fur et à mesure que l'on plonge dans le monde de Paul Wesenberg, on voit émerger des dualités : destruction et construction, disparition et apparition de l'image, suppression et ajout, abstraction et figuration. Il condense tout cela sur la surface de la toile qu'il met à mal et qu'il rend vivante : il la blesse, l'agresse, la scarifie, autant de termes qui évoquent justement la peau humaine.