Pour sa première exposition personnelle à la galerie RX, l'artiste allemand Axel Geis offre un aperçu ciblé de son travail réalisé ces 10 dernières années. Dans ce focus réunissant une quinzaine d'oeuvres monumentales, l'oeil est frappé par la force et la présence de ces oeuvres qui sont autant de fragments d'une mémoire fragile prête à disparaître. La mélancolie, un mot clé de ce travail, enveloppe ces scènes énigmatiques à la beauté évanescente. Les mots de Baudelaire résonnent avec l'oeuvre d'Axel Geis : « La mélancolie est l'illustre compagnon de la beauté ; elle l'est si bien que je ne peux concevoir aucune beauté qui ne porte en elle sa tristesse. » Plutôt qu'une contemplation sereine, ses oeuvres invitent à une rêverie grave.
Les oeuvres d'Axel Geis décrivent un monde hors du temps, ancré indistinctement dans le passé et dans le présent. L'absence quasi systématique d'ombre renforce d'ailleurs cette impression. Si l'artiste s'inspire de peintures anciennes, de photographies tirées de ses albums personnels ou de scènes extraites de films, il gomme toute référence au contexte pour ne laisser que l'essentiel, à savoir la figure humaine campée sur un fond neutre et saisie dans un mouvement, une posture ou une pause théâtrale. Seul l'instant compte, figé dans les glacis de la peinture à l'huile. Une nouvelle narration se substitue alors à celle de l'image source, moins bavarde, plus énigmatique. « Les personnages sont en effet retirés du contexte d'origine, mais celui-ci demeure pure supposition puisqu'il n'est plus là. J'ai tendance à les regarder dans ce nouveau contexte qui devient le nouveau référent », précise l'artiste.
Langoureuse mélancolie
On devine leur état d'âme et leurs sentiments qui ont toujours à voir avec la mélancolie. D'ailleurs, une grande solitude se dégage de ces scènes et en cela, il va plus loin qu'un artiste comme Edward Hopper chez qui le lieu ou le contexte participe et renforce le sentiment de solitude. Alex Geis s'en est affranchi pour se concentrer sur le motif. Que ce soit un petite fille, un toréador, un jeune garçon, un escrimeur, un arlequin, une femme à côté d'un piano, chacun devient le sujet unique, magnifié par les formats monumentaux (200 x 300 pour Frau mit Flügel par exemple). Axel Geis souligne cette mélancolie par la touche évanescente et par les visages aux traits à peine esquissés. Il peint des corps fragmentés (Torso, 2014), comme si certaines parties avaient été effacées, traduisant une présence fantomatique (Boy, 2019). Il dépeint leur absence à venir. Ces scènes sont comme des souvenirs prêts à nous échapper. Il y a un côté inéluctable, presque dramatique. Nous sommes dans un entre-deux, ce qu'accentue les grands coups de pinceaux vifs et l'effet de non finito. Cette idée d'inachevé renvoie au temps suspendu, arrêté. Une façon de toucher à l'éternité ou de suggérer un memento mori.
La couleur simple et élégante
Par son traitement pictural, Axel Geis impose ces figures dans un face-à-face fort avec le spectateur qui ne peut que s'approprier les émotions dépeintes tant il est happé dans le tableau monumental.