RX & SLAG, Paris

Tirtzah Bassel

Little Deaths

Vernissage le samedi 14 octobre 2023

 

Pour sa première exposition à la galerie RX&Slag à Paris, Tirtzah Bassel ajoute un nouveau chapitre à un projet commencé il y a 3 ans, « Canon in Drag », dont le premier volet avait été présenté en 2022 à New York à la galerie Slag&RX. Il y est question de déconstruction des schémas sociaux figés par le patriarcat, en s'appuyant sur un mythe mésopotamien, celui d'Inanna/Ishtar, déesse puissante et indépendante, de l'amour et de la guerre. À partir de ce récit transmis par la première poétesse connue de l'histoire, Tirtzah Bassel renverse les codes et revisite l'histoire de l'art. Des nouvelles images pour « rebooter » les esprits.


Le titre surprend, mais Tirtzah Bassel explique et donne immédiatement le ton de l'exposition : « ''Little Deaths" renvoie à un euphémisme pour parler de l'orgasme. » De l'orgasme féminin pourrait-on immédiatement compléter car le propos de l'artiste est de s'attaquer aux images et modèles forgés par le patriarcat. Pour cela, elle conçoit de nouveaux symboles et repense la question du genre, de la sexualité et des modèles sociaux. « Lorsqu’une femme connaît la source de son plaisir, elle évolue dans le monde d’une manière fondamentalement différente » partage-t-elle. Alors, elle a créé un nouveau canon qui serait une nouvelle référence, le « Canon in Drag », qu'elle a initié il y a trois ans et qu'elle a construit en s'attaquant au plus grand diffuseur d'images et de stéréotypes de tous les temps : l'histoire de l'art. Elle questionne ce que nous y projetons en remontant la chronologie jusqu'à la Préhistoire, en intégrant la Vénus de Laussel dans Venus Girl with Adult Toy – After Vermeer. Revenir à l'origine et regarder en miroir les sociétés anciennes et contemporaines est une façon de prendre conscience que les premiers temps humains étaient en avance sur nous et que l'idée même de progrès n'existe définitivement pas vraiment !


Inanna, une figure tutélaire
C'est ce que raconte le mythe d'Inanna en quelques sortes, dont l'histoire a été écrite par la première poétesse connue, Enheduanna. Nous sommes au IIIe millénaire avant notre ère – les pyramides d'Égypte dominent déjà le plateau de Gizeh – dans cette Mésopotamie qui a fourni de nombreux récits fondateurs qui seront repris dans l'Ancien Testament, tel le Déluge ou Moïse sauvé des eaux. Inanna, qui s'appellera Ishtar chez les Babyloniens, est une femme puissante, de la trempe de Lilith, la première épouse d'Adam que Dieu n'a pas réussi à dompter et que les récits hébraïques présentèrent sous l’aspect d’une démone aux attributs masculins et dévorateurs.
Les modèles de femmes fortes existent avant que le patriarcat ne les ai effacées des mémoires, alors il suffit de leur redonner tout leur dimension en les plaçant au coeur de la réflexion et d'un combat féministe pour déboulonner un système sclérosé. Renverser le monde ? Comme le permet de moment hors du temps qu'est le carnaval, avec une inversion des genres, la liberté de la transgression, la licence sexuelle ? Non, il s'agit plutôt ici de revenir aux sources des premières civilisations, où les récits étaient déjà écrits.


De nouveaux archétypes pour penser différemment
Alors Tirtzah déroule le fil d'une nouvelle histoire et imagine de nouveaux archétypes : Le penseur de Rodin allaite un bébé, la Vénus sur son rocher est en plein orgasme, La Danse de Matisse est jouée par des hermaphrodites, Inanna jouit sous la dextérité de son amant pratiquant un cunilingus, La jeune fille de Vermeer tient un sex toy et non une lettre, la Vierge et Sainte Anne sont deux hommes, l'ange de l'Annonciation vient apporter le message à un mortel... « Le message est clair : tu auras un fils et tu deviendras le père du Messie. La réception du message spirituel se manifeste physiquement dans le corps. L'apogée de sa masculinité réside dans son rôle imminent de père. »
Après un bref moment nécessaire au réajustement ou de superposition sur ces chefs-d'oeuvre que nous avons tous en tête, on se prête à entrapercevoir un nouveau monde poindre...
« Dans notre société, la maternité a tendance à renforcer la féminité, considérée comme une qualité positive. En revanche, la masculinité n'est pas perçue de la même manière. Nous sommes donc habitués aux images de mères sexualisées ou érotisées s'occupant de bébés (comme dans L'Origine de la Voie lactée de Rubens, que j'ai retourné ici), mais lorsque nous voyons un homme érotisé faire la même chose, c'est troublant et peu familier. En tant que peintre, ces images suscitent mon intérêt. »