Anna Malagrida. « Vitrines & Paris barricadé » Du 27 novembre 2021 au 16 janvier 2022
Pour son cinquième solo show à la galerie RX, Anna Malagrida confronte deux séries photographiques réalisées dans la ville de Paris et une installation qui témoignent des moments de crises. Dix ans séparent les deux séries qu’elle a choisi de réunir : Vitrines (Escaparates) évoque la crise économique mondiale de 2008 et montre pour la première fois des images inédites pour cette exposition, Paris barricadé renvoie à la crise sociale et politique des manifestations des Gilets jaunes en 2018. La ville apparaît comme un espace physique, tel un corps marqué par les traces de l’Histoire qui se matérialisent dans l'espace de la vitrine. Véritable interface entre l'extérieur et l'intérieur, la transparence de la vitrine disparait au profit de la matérialité physique de la peinture ou des planches en bois qui la recouvrent et convoquent l’histoire sociale dont elles sont le support d’inscription. En complément des photographies, l'artiste présente une sculpture-installation créée à partir des panneaux de bois qui protégeaient les vitrines des commerces autour des Champs-Élysées en 2018.
La série Vitrines (Escaparates) est réalisée entre 2008 et 2010 suite à la crise financière qui a causé la fermeture de commerces dans le monde entier. A Paris, les vitrines des magasins fermés étaient alors badigeonnées de blanc de Meudon pour empêcher le regard des passants vers un intérieur vide ou en cours de transformation. Anna Malagrida photographie ces vitrines à l’aide d’un appareil grand format afin de restituer avec précision les traces de la peinture déposée par les peintres du bâtiment, les inscriptions tracées par les passants mais aussi les détails des reflets de la ville. Agrandies presque à l’échelle 1, les photographies deviennent des peintures monumentales où le regard plonge dans le reflet de la ville dans un véritable corps-à-corps avec le spectateur. La tension sociale s’incarne alors sous la forme d’une abstraction picturale.
L’artiste joue avec ce trompe-l’œil et pousse à l’extrême la capacité de reproduction du medium photographique qui, par l’excès de précision, crée une confusion entre photographie et peinture. Ce trompe l’œil convoque à la fois l’histoire sociale et l’histoire de l’art : l’impact de la crise financière s’affiche dans la ville par la prolifération des commerce fermés recouverts de peinture blanche. Dans l’espace d’exposition, les images rappellent différents moments de l’histoire de la peinture du XX ème siècle.
La série Paris barricadé est réalisée par Anna Malagrida et Mathieu Pernot lorsque le mouvement des Gilets jaunes apparaît en France en octobre 2018. Suite aux nombreuses manifestations organisées chaque samedi sur l’ensemble du territoire français et notamment à Paris autour du rond-point de l’Étoile, les habitants et les commerçants du quartier décident d’installer des protections pour éviter les dégradations des vitrines et des fenêtres. Les dimanches, le jour d’après des manifestations, les auteurs photographient les dispositifs de protection mis en place par les habitants dans le quartier du VIII ème arrondissement. Alors que les médias et les réseaux sociaux diffusent des images qui font le tour du monde d’une France au bord de la révolution, les photographes travaillent les dimanches sous une lumière grise et peu contrastée, le quartier du VIII ème est vide et silencieux et ressemble plutôt à un décor déserté.
Les images de Paris barricadé sont associées dans l’exposition par la forme et les couleurs des constructions en bois. La crise s’incarne dans ces sculptures anonymes, des installations éphémères qui ressemblent à des boucliers de défense et qui transfigurent le paysage urbain le temps de la révolte.
Une installation
Les planches en bois sont devenues aussi des surfaces d’inscription dans la ville et ont subi des réappropriations et des détournements. Parfois taguées avec des mots de colère, repeintes ensuite pour faire taire ces cris, cassées et découpées ensuite, la transformation des planches n’a cessé d’évoluer. Anna Malagrida en a récupéré un certain nombre et les a assemblées de nouveau pour fabriquer une sculpture installative, sorte de vestige arquéologique qui fait rentrer un moment de l’histoire de la ville dans l’espace d’exposition.