Anna Malagrida présente à la galerie RX l’exposition Espace liminal qui rassemble deux travaux photographiques différents montrant la ville en tant que territoire politique de conflit et de fragmentation sociale : « Cristal house » et « Los muros hablaron». Cette dernière série est présentée en France pour la première fois.
C’est à travers l’espace liminal que s’ouvrent des contraires apparents (extérieur/intérieur, ombre/lumière, inscription/effacement) car les œuvres permettent de jeter un regard autoréflexif sur les conditions fragiles dans lesquelles se développe la vie des sujets contemporains.
Los muros hablaron 2011-2013 (Les murs ont parlé)
Se compose de deux séries de photographies, les murs et socles. Des images de mots en disparition, presque invisibles, nous parlent du Mouvements des Indignés (Movimiento del 15M) qui est né en Espagne le 15 mai 2011. Les images montrent les effacements effectués sur les inscriptions que les participants de ces manifestations inscrivaient lors des concentrations de rue sur les murs des institutions financières et politiques ou publiques de Barcelone et de Madrid. En parallèle, une vidéo reprend les slogans de ces mouvements sous la forme de textes des voix des protestations qui se suivent.
Au lieu de se concentrer sur les moments d'intensité et d'action des manifestants, les images enregistrent les traces du conflit dans la limite de surface du mur (écriture / effacement), converti par les participants anonymes dans l’espace d'interpellation matérielle et symbolique. Si les socles -les murs au niveau de la rue- et leur impasse monumentale apparente rendent compte d'un combat inégal, Malagrida les photographie quand ils conservent encore le reste obstiné des inscriptions.
Le projet met ainsi en évidence l'acte photographique comme un geste de résistance. L'enregistrement de ces restes et la restitution des messages et des voix fonctionnent en tant qu’archives d'un mouvement collectif qui s’est approprié du questionnement de la notion même de représentation : "ils nous ne représentent pas"... parce que nous sommes irreprésentables.
Cristal House, 2016
Cristal house, qui signifie la maison de verre, évoque également le nom d’un cheval de course. Ce travail composée de photographies, vidéos et de textes, a été réalisé à Paris dans le cadre de la Carte blanche PMU et présenté au Centre Pompidou en 2016. Nous montrons à la galerie un extrait composé des photographies et des textes.
Dans ce travail, Anna Malagrida entreprend une sorte d’épuisement d’un lieu : une salle de jeu située au cœur de Paris. Depuis la rue, à travers les grandes fenêtres, elle observe les gestes répétitifs et l’attente des joueurs. À l’intérieur, elle les rencontre et les écoute. Arrivés en France depuis les quatre coins du monde, attirés par les grandes mégapoles, rêvent d’une vie meilleure ailleurs. Dans cette notion du rêve et de l’espoir du joueur se dédouble celle du migrant, dans un étrange jeu de reflets qui nos met face aux espoirs des plus démunis. Leurs paroles, reproduites dans des extraits de textes, tissent les vies et les rêves qui convergent dans ce lieu de rencontre et de jeu. Attractive, promesse d’une vie meilleure, la métropole qui rassemble des individus venus du monde entier est un espace de passage, de croisements aléatoires et de solitudes démultipliées. La salle de jeu devient un sombre théâtre de l’attente et de l’espoir et la ville son décor.